La ville de Paris franchit une étape historique dans la protection environnementale en proposant d’accorder une personnalité juridique à la Seine. Cette initiative révolutionnaire, adoptée le 4 juin 2025 par le Conseil de Paris, vise à reconnaître au fleuve emblématique de la capitale des droits fondamentaux pour assurer sa préservation face aux menaces croissantes qui pèsent sur son écosystème.
Une reconnaissance juridique inédite pour la Seine
Le Conseil de Paris a récemment approuvé un vœu demandant au Parlement de créer une loi permettant de doter la Seine d’une personnalité juridique sous forme de personne morale de droit public. Cette proposition novatrice repose sur un principe simple mais révolutionnaire : considérer le fleuve non plus comme un objet mais comme un sujet de droit capable de défendre ses intérêts.
« La Seine doit pouvoir se défendre elle-même, comme un sujet de droit et non comme un objet, parce qu’elle sera toujours attaquée », a déclaré Anne Hidalgo, maire socialiste de Paris, lors de la présentation de cette initiative. Cette approche s’inscrit dans un mouvement international de protection juridique des éléments naturels déjà expérimentée ailleurs dans le monde.
Paris s’inspire notamment de précédents internationaux significatifs :
- Le fleuve Whanganui en Nouvelle-Zélande
- La lagune de Mar Menor en Espagne
- La forêt de Los Cedros en Équateur
Ces exemples confirment qu’un cadre juridique adapté peut considérablement renforcer la protection des écosystèmes naturels face aux activités humaines potentiellement destructrices.
Les droits fondamentaux d’un fleuve vivant
La proposition s’appuie sur les travaux d’une convention citoyenne réunie entre mars et mai 2025, composée de cinquante Parisiens tirés au sort. Ces citoyens ont formulé plusieurs droits fondamentaux que devrait posséder la Seine, notamment le droit d’exister, de couler et de se régénérer. Une avancée majeure pour un fleuve qui traverse le cœur de notre capitale et constitue un élément central de son identité.
La convention propose également la création d’un « parlement du fleuve », organe de gouvernance qui permettrait de « penser des décisions de long terme et contenir le poids des différents lobbys », selon Aurélie Huguet, rapporteure citoyenne. Cette instance incarnerait l’autorité gardienne indépendante chargée de défendre en justice les droits nouvellement accordés à la Seine.
Les conclusions de la convention soulignent que le fleuve doit être considéré comme un écosystème dont « personne ne peut revendiquer la propriété » et où la sauvegarde du vivant doit primer sur toute autre considération. Une vision qui marque une rupture avec l’approche traditionnelle d’exploitation des ressources naturelles.
Un écosystème en renaissance malgré les menaces
La Seine a connu une remarquable renaissance biologique ces dernières décennies. En 1970, seules quatre espèces de poissons y survivaient. Aujourd’hui, grâce aux efforts de dépollution et d’aménagement, notamment la piétonnisation des quais, le fleuve abrite désormais 39 espèces piscicoles différentes. Un progrès spectaculaire qui témoigne de la capacité de résilience des écosystèmes fluviaux lorsqu’ils sont correctement protégés.
Année | Nombre d’espèces de poissons | État écologique |
---|---|---|
1970 | 4 | Critique |
2025 | 39 | En amélioration |
En revanche, de nombreuses menaces persistent. La pollution, l’augmentation de la température de l’eau liée au changement climatique et l’utilisation de pesticides dans l’agriculture du bassin versant continuent de fragiliser cet écosystème. Les risques d’inondation représentent également un défi pour la gestion durable du fleuve.
L’ouverture à la baignade prévue pour l’été 2025, bien que symbolisant la reconquête de la qualité de l’eau, soulève des préoccupations parmi les membres de la convention citoyenne qui craignent que les installations nécessaires puissent présenter « des risques supplémentaires » pour l’équilibre fragile du fleuve.
Vers une nouvelle relation avec notre patrimoine naturel
Cette initiative parisienne s’inscrit dans un mouvement plus large de réflexion sur les droits de la nature, comme l’illustre le procès fictif organisé cet hiver au théâtre de la Concorde. Cet événement a réuni des personnalités juridiques de premier plan telles que l’ancien procureur général de la Cour de cassation François Molins et l’avocate Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement.
Certaines voix, comme celle de l’élu communiste Jean-Philippe Gilet, s’interrogent toutefois sur la portée réelle de cette initiative, estimant que le Code de l’environnement offre déjà des possibilités d’action juridique aux associations. Il regrette également que la réflexion se limite à Paris « alors que la Seine traverse quatre régions ».
Malgré ces réserves, l’initiative parisienne marque un tournant dans notre relation avec la nature urbaine et pourrait inspirer d’autres démarches similaires pour les fleuves français, dont certaines sont déjà engagées pour la Loire et le Rhône.
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